Donner

Publié le par mailan

J’habite à Kigali. Je suis riche. Très, immensément riche. Non je ne suis pas riche, mais je suis blanche, et plus riche qu’eux. Le blanc est riche c’est bien connu.

Je suis venue ici pour aider, pour participer, pour développer.

Et pourtant j’hésite.

J’hésite à donner, à chaque main tendue.

Aux mamans, je donne plus volontiers. Aux vieux. Mais donner à tous ?

Aux enfants… j’hésite. Leur faire la leçon, d’aller a l’école… pourquoi faire ? Ils ne le feront pas. Refuser de donner, pour ne pas les inciter à mendier, à prendre ce chemin ? Un autre donnera. Les tirer de là, leur payer l’école, les suivre … travail titanesque, je me plais à penser que j’aide autrement, dans un autre « secteur ».

J’aurai les moyens de donner à tous. Et après ? et demain, après demain, 360 jours par an ? Pourtant avec 100 francs ils mangent plusieurs jours, avec 1000 francs ils sautent de joie. Alors pourquoi ne pas donner, toujours, plus ? C’est plus facile, plus immédiat que de rédiger des rapports pour les ministères. Est-ce vraiment pour de nobles raisons que je ne donne pas plus souvent ? Pour que les enfants retournent à l’école, que ces hommes et ces femmes ne sombrent pas dans la dépendance, ou pire la dépendance vis-à-vis des blancs ?

Souvent je mise sur mon kinyarwanda balbutiant pour établir un contact humain. Comment s’appelle ton enfant ? Quel age as-tu ? D’où viens tu ? Souvent un sourire et un mot me rendent un sourire éclatant en retour. Mais est

ce que ce n’est pas une autre façon de m’échapper ?

Rapeller Alfonse, qui travaille avec les enfants. Lui proposer mon aide. Encore une façon de me donner bonne conscience ?

Chaque jour, le même dilemme.

Publié dans life in rwanda

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Félicitations pour ce beau texte. vous avez vraiment bien su exprimer le déchirement que l'on ressent en permanence lorsqu'on est un "privilégié" dans ces pays - que ce soit pour quelques jours ou pour plus longtemps.
Répondre